Libertàqua : Un voyage pour comprendre la crise de l’eau

Conscientes que l’eau, la ressource commune à tous les habitants de la planète est en danger, Elena, Emma et Nina ont profité de leur voyage en Asie du Sud Est pour mieux comprendre.

Elles ont choisi de voyager pour sensibiliser à la crise mondiale de l’eau et à son impact sur la vie quotidienne.

Leur ambition ? Interroger les habitants pour connaître leur relation à l’eau dans les pays qu’elles ont traversés et partager leurs témoignages.

Nous avons rencontré ces trois voyageuses éco-responsables originaires d’Allemagne, pour parler de leur périple de 11 mois, qu’elles ont baptisé Libertàqua.

Comment est née l’idée du projet Libertàqua ?

Nous avons toutes les trois obtenu notre diplôme d’études secondaires en 2018 et avons décidé de prendre une année sabbatique pour voyager.

Depuis toujours, nous sommes sensibles aux questions environnementales et témoins de la montée en puissance des effets du changement climatique.

Avant de partir, nous étions déjà engagées et avons participé à divers projets avec d’autres jeunes militants de Greenpeace et d’Amnesty International.

Libertàqua c’est l’idée de poursuivre notre action pendant notre voyage.

Les questions environnementales sont plus importantes que jamais et voyager dans différents pays est une excellente façon d’avoir de nouvelles perspectives sur le sujet.

Sur le terrain, en quoi a consisté le projet ?

“Libertàqua” vient du mot italien libertà, qui signifie liberté et du latin aqua : l’eau.

Nous voulons sensibiliser le public aux problèmes de l’eau, principalement en Asie du Sud-Est, et à la façon dont ils affectent les gens dans leur vie quotidienne.

Nous avons interviewé de nombreuses personnes rencontrées en chemin pour comprendre comment elles vivent avec l’eau et ce que la crise de l’eau signifie pour elles.

Certains étaient des experts du secteur qui nous ont permis de mieux comprendre certaines problématiques, mais la plupart se trouvaient là où nous étions : dans les mêmes auberges de jeunesse, les mêmes événements, ou simplement prenaient le même bus que nous.

Nous avons également produit des podcasts mensuels pour une radio de notre ville natale, dans lesquels nous nous sommes concentrés sur des questions spécifiques liées à l’eau comme le delta du Mékong en danger, la privatisation de l’approvisionnement en eau ou l’impact du tourisme par exemple.

Dans quels pays votre voyage vous a-t-il conduit?

Le choix de notre itinéraire a été influencé par notre décision de ne pas prendre l’avion.

Cela a déterminé sur quels continents nous pouvions-nous rendre, et nous a limité aux trajets en bus ou en train et nous a « contraintes » à faire plus d’étapes que la plupart des voyageurs.

  • De l’Allemagne, nous sommes allés en bus jusqu’en Russie, puis nous avons pris le train Trans mongolien jusqu’à Pékin.
  • Après un mois en Chine, nous sommes arrivés au Vietnam en février 2019, où nous sommes restées deux mois et demi
  • Ensuite, nous avons traversé le Cambodge, la Thaïlande et la Malaisie.
  • A Singapour, nous nous sommes à nouveau dirigées vers le nord pour nous rendre au Laos et au Myanmar.
  • Nous sommes maintenant de retour à Hanoi, au Vietnam.

C’est la fin du voyage. Deux d’entre nous rentrent en Allemagne, tandis que Nina reste en Thaïlande quelque mois en tant que stagiaire dans une ONG.

Pourquoi avoir choisi de boycotter l’avion ?

Voyager pendant un an sur un autre continent augmente considérablement votre empreinte écologique, peu importe les efforts que vous déployez.

Un paramètre majeur est le transport : un vol transatlantique peut ajouter autant à votre empreinte carbone qu’une année typique de conduite en voiture.

Ce qui est encore plus choquant, c’est que l’avion s’avère en moyenne 50 fois pire que la conduite en termes d’impact sur le réchauffement climatique sur cinq ans.

Ces chiffres nous ont convaincus de boycotter les avions pendant notre voyage et probablement pour la vie.

Le trajet de près de 25 000 km a certainement augmenté nos émissions de CO2, mais nettement moins qu’en  avion.

Certes, en prenant l’avion nous aurions pu augmenter notre champs de destinations.

Mais il s’est avéré que c’était une idée géniale, qui a enrichi notre voyage plus qu’on ne pouvait l’imaginer.

L’option lente nous a permis de mieux comprendre les pays que nous avons visités, car nous n’avons pas “sauté” rapidement d’une ville ou même d’un pays à l’autre.

Nous avons vécu des moments merveilleux et souvent inattendus dans de petites villes et villages, des salles d’attente de gare inhospitalières au premier abord, et fait des rencontres inoubliables avec de nombreuses personnes.

La crise de l’eau est-elle plus visible dans certains pays ?

Notre objectif était de récolter des impressions et des témoignages et nous ne sommes en aucun cas des expertes.

Ce que nous pouvons vous dire, c’est que nous avons été confrontés à la crise de l’eau sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, tout au long de notre parcours.

Quand on parle de crise de l’eau, les gens pensent à : la rareté de l’eau, l’extension des déserts, les personnes souffrant de la soif… ce ne sont pas ces choses-là auxquelles nous avons été confrontées.

En Asie du Sud-Est, le climat est humide, les pluies sont constantes pendant la mousson et de nombreux lacs et rivières alimentent les pays.

Le problème ici, c’est le manque de systèmes d’approvisionnement en eau, de traitement des eaux usées et la pollution par le plastique ou les rejets industriels et agricoles.

Il s’agit aussi des impacts du changement climatique tels que les inondations dues aux tempêtes et les changements dans les schémas de saison des pluies et de saison sèche; Ces derniers  endommagent les cultures et impactent les ressources en poissons, donc la vie des habitants.

Il est difficile de dire quelle région est la plus touchée par la crise de l’eau. Pour nous elle ne sépare pas les pays mais plutôt les classes sociales.

Ceux qui sont les plus touchés sont ceux qui n’ont pas les moyens et qui n’ont pas ou peu de soutien de leur gouvernement.

Les habitants des zones rurales, par exemple, sont plus susceptibles de manquer d’eau salubre que ceux des zones urbaines, quel que soit le pays d’Asie du Sud-Est.

Ceux qui ont de l’argent peuvent se permettre de filtrer l’eau alors que d’autres dépendent d’une eau qui ne répond pas aux normes sanitaires auxquelles nous sommes habitués dans les pays européens.

Y a-t-il un problème en particulier qui vous a marqué ?

Le delta du Mékong, sans hésiter.

Il est aussi appelé la ligne de vie de l’Asie du Sud-Est car le sol fertile le long du fleuve est crucial pour la récolte du riz qui nourrit des millions de personnes et qui est la biosphère d’innombrables espèces animales et végétales.

Une combinaison de divers facteurs conduit à l’affaissement de la région du delta.

  • L’élévation du niveau de la mer
  • La construction non régulée de vastes zones
  • L’extraction excessive d’eau souterraine
  • Et de nombreux projets de barrages dans le cours supérieur du Mékong depuis la Chine jusqu’au Laos et au Cambodge.

Tout cela met en danger l’équilibre fragile de cet écosystème unique, rendant ainsi la région du delta beaucoup plus vulnérable aux impacts du changement climatique et menaçant les moyens de subsistance de nombreuses personnes.

Les personnes que vous avez interviewé ont-elles conscience de la crise de l’eau?

Nous avons parlé à de nombreuses personnes pour connaitre leur rapport à l’eau et savoir comment ils vivaient la crise de l’eau.

D’abord nous tenons à dire que nous avons surtout interviewé des personnes relativement aisées, vivant généralement dans des villes et dont la vie n’était pas directement “menacée” par la crise de l’eau.

Cependant, leur utilisation quotidienne de l’eau n’était souvent pas aussi facile et pratique que dans des circonstances idéales, telles que nous pouvons les connaitre :

  • Personne ne pouvait boire l’eau du robinet sans la traiter.
  • Certains ont connu des inondations et des sécheresses
  • Et presque tous ceux que nous avons rencontrés se sont plaints de la pollution des eaux naturelles comme l’océan, les lacs et les rivières, qui les empêche d’y accéder au quotidien ou pour leurs loisirs.

Le constat est qu’ils étaient habitués à la situation et ne s’en plaignaient pas, comme nous le ferions. Principalement parce qu’ils étaient conscients que de nombreuses personnes étaient beaucoup plus impactées qu’eux par la crise de l’eau dans leur propre pays.

Nous avons également rencontré d’innombrables personnes qui vivent dans de grandes villes comme Bangkok, Phnom Penh ou Shanghai ou dans des villages proches de la côte qui seront inondés d’ici 2050.

Mais la prise de conscience de ce danger n’est pas très répandue.

La menace de devoir quitter votre maison en raison de l’affaissement du sol et de l’élévation du niveau de la mer semble encore lointaine, alors que les dégâts causés par les inondations sont déjà visibles.

Pour ne citer qu’un exemple, nous avons passé une semaine sur une petite île du Cambodge où, au cours des huit dernières années, la plage côtière s’est réduite de 10 mètres.

Après 11 mois de périple, c’est quoi pour vous être un voyageur éco-responsable ?

Le B.A.-BA pour nous c’est de ne pas laisser ses pratiques éco-responsables derrière soi.

Cela peut sembler évident, mais pour beaucoup de touristes que nous avons rencontrés sur notre chemin, ce n’est pas le cas.

Comme si le fait d’être à l’autre bout du monde était un ticket gratuit pour laisser des déchets derrière soi, acheter en masse des produits non durables, prendre des vols court-courriers pour gagner quelques heures sur la prochaine étape.

Au quotidien depuis 11 mois, nous essayons de limiter notre empreinte carbone où que nous soyons.

  • Nous ne mangeons pas de viande et mangeons aussi peu de produits d’origine animale que possible.
  • Nous essayons d’éviter les produits importés, et privilégions les aliments régionaux et saisonniers.
  • Notre objectif est de produire très peu de déchets en évitant le plastique et en ne consommant généralement que ce dont nous avons besoin.
  • Nous essayons d’utiliser les transports en commun dans la mesure du possible : nous choisissons les trains plutôt que les mini-vans, les bus plutôt que les taxis et la marche plutôt que le scooter.

Enfin, un aspect très important selon nous est d’être conscient que lorsque nous voyageons, nous soutenons de nombreuses entreprises touristique.  Nous veillons à choisir des petites entreprises locales qui ont un impact positif sur l’économie du pays et dont les profits bénéficient directement aux populations locales.

A l’heure de la fin du voyage, quelle est la suite de Libertàqua?

Nous travaillons actuellement avec un groupe de jeunes d’une ONG et des étudiants de notre ancienne école qui organisent un projet sur l’eau pour la grève mondiale du climat du 29 novembre.

Nous leur fournissons de l’information et nous organiserons aussi une journée d’action sur la crise de l’eau à notre retour.

Nous avons encore beaucoup d’interviews qui n’ont pas encore été publiées, donc nous allons continuer à partager ce contenu sur notre site Web pendant un certain temps.

Nous n’arrêterons jamais de plaider la cause de la crise de l’eau parce qu’on y accorde beaucoup trop peu d’attention alors qu’il s’agit de la base de la vie.

Les interviews et les podcasts de Libertàqua (en anglais ou en allemand) sont dispos sur leur site internet et leur journal de bord est à lire sur leur  compte IG

Des questions pour Emma, Nina & Elena ? Commencez la discussion en commentaires

Toutes les photos de cet article sont utilisées avec l'autorisation de Libertàqua.
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